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9 mars 2014 7 09 /03 /mars /2014 21:48
Canada : Manifeste pour un mouvement féministe prolétarien

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Nous voulons construire le mouvement féministe prolétarien au canada !

Les 30 novembre et 1er décembre derniers, des femmes de toutes origines et provenant de différentes régions du Québec et de l’Ontario se sont rencontrées à Montréal, en vue d’adopter un projet de manifeste. Les deux objectifs de la conférence étaient les suivants :

1- Unifier nos points de vue sur la base du féminisme prolétarien : nous croyons qu’il y a, aujourd’hui, nécessité de regrouper et d’unir les femmes du prolétariat et leurs alliées en reconnaissant la réalité des classes et ce faisant, la nécessité de lier la lutte pour la libération des femmes, à celle contre l’exploitation capitaliste et impérialiste.

2 – Initier la création, à travers le pays, de groupes, de fronts ou de collectifs de femmes prolétaires pour former un véritable Mouvement féministe prolétarien : nous appelons ainsi les travailleuses de tous âges et de toutes origines, les femmes autochtones et métis, les étudiantes à faible revenu ou femmes sans emploi, à s’organiser ensemble, au sein de tels groupes, que ce soit sur une base de quartier, de ville ou de région. Ces groupes ont pour but de lutter contre toutes les oppressions, sans discrimination quant aux origines, aux identités ou aux orientations sexuelles des femmes.

Ce document constitue le Manifeste du mouvement féministe prolétarien, tel qu’adopté lors de cette conférence.

Montréal, 1er décembre 2013
Les bases de notre unité
1. Nous sommes unies par notre condition de proletaires

Notre unité, dans la lutte politique comme dans nos revendications, se fera autour des besoins et aspirations des femmes prolétaires ainsi que transgenres*. Nous définissons notre mouvement comme prolétarien parce que nous défendrons parmi elles les plus exploitées et non les plus privilégiées.

Les femmes prolétaires, ce sont toutes celles qui ne possèdent rien d’autre que leur force de travail et qui doivent s’employer contre un salaire. Elles peuvent être étudiantes, mères de familles, autochtones ou métis, migrantes, seules ou en couple, jeunes ou âgées et de toutes origines.

Nous vivons dans un des pays les plus riches du monde, le Canada. Chaque jour, on nous rappelle à quel point il fait bon vivre ici, entouréEs de toutes ces belles richesses… Pour qui donc ce pays merveilleux existe-t-il ? Il est vrai qu’une frange réelle des hommes et des femmes qui vivent ici profitent de ce beau pays de rêve et accaparent à eux et elles, l’immense majorité de la richesse produite au Canada.

Cette réalité sociale, simple et indéniable, qui s’impose au-delà des multiples différences individuelles, c’est la division du monde telle qu’elle existe dans la société: une division entre ceux et celles qui d’un côté possèdent la richesse, les moyens de production, les usines, les entreprises, le pouvoir et de l’autre, ceux et celles qui n’ont rien ou si peu… et qui doivent comme on dit, « gagner leur vie », avec des emplois de crève-faim…. ou sans emploi du tout.

Les femmes au Canada n’échappent pas à cette réalité sociale, qui veut qu’il y ait d’un côté des femmes qui possèdent et qui dirigent, et dont la vie quotidienne n’a rien à voir avec celle d’une femme autochtone à Winnipeg, une aide familiale philippine à Toronto, une travailleuse au salaire minimum à Montréal ou une mère monoparentale à St-John.

Ces conditions, si différentes, rendent tout aussi différentes les aspirations et besoins des unes et des autres. D’un côté, il y a celles qui veulent préserver les privilèges et les pouvoirs qu’elles ont pu acquérir grâce à une société fondée sur l’accaparement privé plutôt que collectif, des richesses. De l’autre, il y a celles qui aspirent simplement à un logement décent, à des emplois valorisés et payés de façon équitable, à une éducation gratuite, à des soins et des services de garde gratuits et accessibles, à une société où elles ne seraient plus victimes de racisme, de sexisme, de violences quotidiennes ou d’exploitation sexuelle, et plus jamais obligées d’accepter des emplois mal payés et non protégés.

Cette réalité de classes sociales irréconciliables contredit dans la pratique, l’idée même que les femmes puissent toutes s’unir dans une même lutte pour « la libération des femmes ». Cette libération n’existe pas en dehors de la vie sociale réelle – et relève de l’idéalisme. Elle doit et devra nécessairement se produire dans une société complètement différente de celle dans laquelle nous vivons qui est fondée sur l’injustice, l’exploitation et la division en classe sociales.

Il n’existe pas de mouvement féministe réel sur le terrain politique, sinon un féminisme de réformes. Depuis 20 ans, ce féminisme de réformes a surtout existé dans les services, les groupes de lobbys, les milieux institutionnels, universitaires et petits-bourgeois, très peu dans la lutte politique. Pour reprendre les mots de la sociologue américaine Barbara Epstein : « Le féminisme aujourd’hui est plus une idée qu’un mouvement auquel il manque désormais la qualité d’être visionnaire».

Et c’est précisément parce que ce féminisme « historique », voulant que toutes les femmes s’unissent sans égard à autre chose qu’à leur condition de femmes, a donné tout ce qu’il pouvait, que nous appelons à créer un mouvement nouveau, en phase avec la multiple réalité des femmes prolétaires dans le monde impérialiste d’aujourd’hui. Nous voulons créer l’unité la plus stratégique, c’est-à-dire, celle qui nous donnera les outils politiques pour vaincre l’oppression et en détruire les racines. L’union des femmes prolétaires est celle qui est en phase avec la réalité objective dans un pays impérialiste comme le Canada.

… Un pays impérialiste, faut-il le rappeler:

  • où les femmes autochtones plus que quiconque, continuent à vivre dans des conditions innommables et se font tuer chaque jour dans l’indifférence générale ;
  • qui appuie et participe à des guerres injustes de domination impérialiste ;
  • où fleurissent des compagnies qui exploitent ici et ailleurs, qui détruisent et tuent chaque jour, forçant des centaines de millions de femmes à l’exil, transformant profondément leur vie et celles de leur famille ;
  • où la crise économique mondiale accentue la vulnérabilité des plus pauvres, où les femmes se retrouvent en grande majorité : majoritaires au salaire minimum, majoritaires dans les emplois à temps partiel, majoritaires comme cheffes de famille monoparentale…
  • où les maigres acquis sociaux en logement, dans l’éducation ou la santé sont constamment attaqués, fragilisant toujours davantage la condition des femmes, particulièrement celles qui sont handicapées, âgées ou mères seules.
  • où la prostitution, l’exploitation et le trafic sexuels sont banalisés (une « industrie comme une autre ») ;
  • où la violence contre les femmes (qu’elle soit verbale, physique, psychologique) fait partie de la vie quotidienne ;
  • où le sexisme s’affiche à pleines pages dans les journaux, dans la publicité, les médias, à la télé ;
  • où la réalité sociale, même si elle devient plus complexe, continue d’opposer la classe qui possède tout, à celle qui n’a rien ;
  • où la classe qui nous exploite comprend aussi des femmes, qui sont à la tête de partis politiques, de gouvernements ou d’empires financiers comme Walmart, la Banque Laurentienne, la Financière Sunlife, la Fédération des chambres de commerce, le mouvement Desjardins.

En unissant sur une base de classe les femmes prolétaires au Canada, nous voulons réaliser l’unité la plus large, tout en préservant la volonté de lutter de la façon la plus radicale, c’est-à-dire jusqu’au bout, pour mettre fin à l’exploitation capitaliste et à toutes les formes d’oppression que peuvent subir les femmes.

2. Nous luttons pour la liberation des femmes… et contre toutes les oppressions

En luttant contre l’oppression des femmes, nous luttons aussi contre le racisme et les discriminations de toutes sortes sans égard au sexe, à l’origine, à l’identité, à l’orientation sexuelle ou à l’appartenance religieuse.

2.1 Nous reconnaissons la diversité des femmes prolétaires

Les réalités des femmes prolétaires sont multiples. Cette diversité apporte avec elle une diversité de revendications, de problèmes à résoudre, de discriminations spécifiques, que ce soit dans la vie des femmes autochtones, d’une aide familiale migrante nouvellement arrivée ou chez une travailleuse du textile immigrante de deuxième génération ; dans la vie d’une serveuse, mère de famille monoparentale ou pour sa voisine souffrant d’un handicap ; chez l’étudiante à faible revenu qui a du mal à payer ses frais de scolarité ; chez sa copine, vendeuse dans un magasin, discriminée parce qu’elle est lesbienne.

Pour organiser véritablement la lutte contre l’exploitation et les différentes oppressions que nous subissons, nous ferons le total de nos différences en vue d’en résoudre les contradictions, plutôt que de les laisser nous diviser.

Nous voulons chercher ce qui est le plus unificateur et commun à toutes nos conditions, sans effacer nos différences. Cet unificateur, c’est l’exploitation capitaliste que nous subissons toutes et qui pèse sur nous toutes dans la société d’aujourd’hui. C’est grâce à la lutte commune contre cette condition de prolétaires exploitées qui nous unit, que nous réalisons la nécessité de combattre ensemble pour une société libre de toutes les oppressions.

Nous rejetons l’idée – faussement attribuée au marxisme – qui voudrait que la classe sociale soit tout ce qui compte et que les autres formes d’oppressions et de discriminations (liées à l’homophobie, à la race ou l’origine, au handicap, à l’identité sexuelle) ne doivent pas être combattues. Nous affirmons plutôt que la classe sociale traverse ces oppressions et modifie la façon dont elles sont vécues, en en accentuant ou en atténuant les impacts.

Pour y faire face, les individus de la classe bourgeoise ont de leur côté le pouvoir politique, les lobbies, le recours aux avocats, l’accès aux soins privés et aux meilleures opérations, etc…

De l’autre côté, les prolétaires qui vivent ces oppressions doivent les subir dans la pauvreté, avec des ressources limitées, subissant l’exclusion et la discrimination au travail, la dépendance à l’État, les conditions précaires d’immigration et la clandestinité, l’exploitation sexuelle et l’isolement. Nous croyons que les oppressions vécues par certainEs bourgeoisEs, quoiqu’encore présentes aujourd’hui, tendent à diminuer et à s’estomper. Or cela restera toujours impossible pour la majorité des prolétaires qui doivent rester dans la misère, la précarité et l’exclusion.

Conséquemment, la révolution menée par l’ensemble des prolétaires doit être accomplie et servir de catalyseur pour la mise en place de processus qui aboliront ces oppressions.

2.2 Nous reconnaissons la nécessité de lutter contre le racisme et la discrimination à l’endroit de celles parmi nous qui sont migrantes.

Victimes d’un chômage systématiquement supérieur, vivant des réalités historiques et culturelles spécifiques, que ce soit dans le cadre de la famille ou de la société, mais aspirant à se libérer de l’exploitation et de l’oppression.

Aujourd’hui au Canada, près de 3,3 millions de femmes ont immigré pour vivre ici, soit une femme sur cinq. Elles représentent 69% de la croissance de la population féminine au pays. Leurs expériences et le poids important qu’elles occupent parmi les prolétaires vivant les conditions d’exploitation et d’oppression les plus difficiles, font aussi d’elles une formidable force au sein des femmes à unir pour lutter en vue de changer la société inégalitaire et injuste dans laquelle nous vivons.

Particulièrement dans les grands centres urbains, que ce soit à Toronto, Vancouver ou Montréal par exemple, la participation active des femmes migrantes de toutes origines dans le développement du féminisme prolétarien, est déterminante.

2.3 Nous dénonçons la discrimination et la négation historique des droits, non seulement des femmes autochtones, mais de l’ensemble de leurs nations

Dans une ville comme Winnipeg ou Vancouver, mais aussi près de Montréal, à Québec ou sur la Côte nord, un mouvement féministe prolétarien doit créer des alliances avec les femmes autochtones et métis pour mettre de l’avant des revendications et un travail d’organisation politique commun.

2.4 La lutte contre la discrimination basée sur l’orientation ou l’identité sexuelles fait aussi partie du « programme » que se donne le mouvement féministe prolétarien.

C’est donc dire qu’un tel mouvement féministe prolétarien est composé d’une multitude de groupes locaux aux compositions différentes et variées, mais qui lutteront tous contre l’oppression faites aux femmes, contre le racisme, contre l’homophobie et toutes les formes de discrimination de genre. Nous avons tout à gagner à « mélanger » nos expériences comme prolétaires.

3. Nous luttons contre le capitalisme… et contre les rapports sociaux oppresseurs qui en decoulent
Le mouvement féministe prolétarien dont nous avons besoin aujourd’hui doit nécessairement être anticapitaliste.

Le capitalisme au Canada s’est développé dans le cadre d’une mondialisation impérialiste qui a profondément transformé les réalités des femmes de tous les pays, forçant les déplacements de population, la délocalisation, l’immigration à une échelle jamais vue auparavant, élargissant sans cesse le fossé entre riches et pauvres. Nous rejetons ce modèle de société et nous lutterons ici pour construire un autre monde !

Notre exploitation et les manifestations d’oppressions se reproduisent aujourd’hui grâce à tout un système de valeurs, de relations sociales et de « façons » de produire la richesse… et de s’en approprier. Ces valeurs et relations sociales sont pour plusieurs, héritées du passé. Mais aujourd’hui, elles sont reproduites, transformées et utilisées au bénéfice d’une seule classe sociale, celle des propriétaires capitalistes. Pour transformer les valeurs et relations sociales héritées du passé pour le bien général de la majorité, il faut s’attaquer au système qui, aujourd’hui, les maintient et les reproduit.

Au travail comme à la maison,le capitalisme conditionne nos vies.

Nous sommes conditionnées à accepter qu’un courtier financier qui joue avec la bourse virtuelle pour faire engranger des profits aux actionnaires des grosses compagnies, gagne 3 à 4 fois le salaire d’une ouvrière du textile qui produit nos vêtements, d’une aide familiale ou d’une éducatrice qui prend soin des enfants, d’une cuisinière qui nourrit les autres… Nous sommes conditionnées à considérer que le travail domestique et la reproduction des soins dans la famille, accomplis à la maison en majorité par les femmes, n’a aucune valeur. Pourquoi en est-il ainsi ?

La surexploitation des femmes n’est pas causée par la division sexuelle du travail (les femmes historiquement, se sont concentrées sur les tâches liées à la reproduction et à l’entretien des enfants et de la famille). Cette division sexuelle du travail, même si elle y joue un rôle important, n’est pas dans l’absolu, une source d’oppression pour les femmes. Si on accordait la même valeur à ce travail – comme c’était le cas dans les sociétés primitives, avant l’apparition de la propriété privée, de la famille patriarcale et des classes sociales) qu’au travail dans la production, tous les salaires seraient plus ou moins égaux ; toute tâche « utile » à la société et à sa reproduction, serait valorisée de la même façon.

Avec le développement des forces de production à l’échelle mondiale, les rapports capitalistes dans l’économie sont devenus les rapports dominants pour établir la valeur du travail. Une valeur strictement basée sur la création et l’accumulation maximale de profits.

Selon les critères capitalistes, les secteurs de services, de soins de santé, d’éducation, de bureau ou de commerce ne produisent pas cette « plus-value » exigée ou sinon, pas en quantité suffisante. Les salaires doivent donc s’y maintenir au plus bas. Que ces emplois soient occupés par un homme, une femme, un migrant, une jeune ou un vieux, peu lui importe au bout du compte. C’est pourquoi – même si cela prend du temps !- le capitalisme peut et pourra remédier dans 20, 30 ou 100 ans à la question de l’équité salariale entre les hommes et les femmes. Mais il ne peut accepter de transformer les critères déterminant à ses yeux la valeur du travail. Il en va de la capacité pour la classe des propriétaires de compagnies, pour la bourgeoisie, de pouvoir accumuler du profit là où ils le peuvent, et de minimiser les coûts quand ce profit est faible.

Lutter pour l’égalité de salaires entre les hommes et les femmes ne suffit pas à résoudre l’exploitation des femmes prolétaires.

Ni le fait de lutter pour faire en sorte que les femmes investissent les emplois traditionnellement masculins. Ce n’est pas la division sexuelle du travail qui est la base de l’oppression des femmes. C’est la valeur inférieure accordée par les capitalistes au travail « non productif » de plus-value.

Il en est ainsi de la reproduction gratuite de la force de travail (soins aux enfants, nourriture, ménage, vêtements, etc…) qui repose encore en majorité sur le dos des femmes prolétaires. En 2010 au Canada, les femmes1 ont consacré en moyenne 50,1 heures /semaine aux soins des enfants, soit plus du double que les hommes (24,4 heures). Quant aux tâches domestiques (incluant les travaux ménagers et les travaux d’entretien du terrain, de la maison) on retrouve un écart comparable (8,3 heures de travail non rémunéré pour les hommes, contre 13,8 heures pour les femmes).

Certaines de ces sphères ont été en partie socialisées (garderies, écoles, hôpitaux, centres spécialisés, magasins et manufactures de vêtements) ; mais ce sont les femmes du prolétariat qui y travaillent en grande majorité ; les salaires qu’on leur concède restent très bas et ces emplois, dévalorisés.

3.1 Nous luttons pour la transformation complète du salariat et la revalorisation du travail des femmes.

Les femmes prolétaires veulent se battre pour une société où le travail de tout un chacun sera considéré de « valeur » égale selon son utilité pour la collectivité et la société, qu’il s’agisse d’une travailleuse en manufacture, d’une éducatrice en garderie, d’une aide familiale ou d’un chauffeur d’autobus.

3.2 Nous sommes contre toutes les formes d’exploitation sexuelle et d’exploitation du corps des femmes !

Nous sommes conditionnées à accepter comme un fait « naturel » de la vie, l’idée que tout soit désormais considéré comme une marchandise à vendre, y compris les humains, y compris le corps des femmes. C’est ainsi qu’aujourd’hui, la prostitution, la pornographie, les bars de danseuses nues, certains salons de massage et le tourisme sexuel font désormais partie de « l’industrie du sexe ». On veut nous faire croire ainsi que tout, y compris notre propre corps, doit devenir une marchandise pour laquelle on paie et avec laquelle on peut faire ce qu’on veut.

Quand on sait que l’âge moyen d’entrée dans la prostitution est de 14 ans au Canada et que près de 95% des femmes prolétaires exploitées sexuellement veulent changer de vie, on comprend que la prostitution n’est pas un métier qu’on choisit.

Le capitalisme fait aujourd’hui du sexe, de la prostitution, de la pornographie et du tourisme sexuel, une industrie rentable, bénéficiant à une petite minorité, sur le dos de l’immense majorité des femmes qui en font partie. Cette industrie joue un rôle majeur dans la reproduction de comportements sexistes et violents à l’endroit des femmes au quotidien.

L’« industrie du sexe » reproduit non seulement les mêmes rapports d’exploitation de la force de travail que partout ailleurs dans la société capitaliste, mais elle reproduit aussi le sexisme et la dégradation du corps des femmes au rang d’une marchandise, d’un objet comme un autre.

La prostitution et les différentes formes d’exploitation sexuelles sont principalement des rapports d’oppression économique entre les hommes riches et les femmes pauvres.

En effet, il s’agit d’une oppression spécifique des femmes issues des couches à la base du prolétariat : les travailleuses pauvres et exploitées ; les femmes prolétaires présentement exclues du marché du travail ; les immigrantes ou sans statut ; les jeunes (y compris les enfants) ; les femmes autochtones et métis.

Le capitalisme, dans sa force hégémonique, cherche à libéraliser chaque comportement social permettant l’accumulation de capital. Il consacre ainsi l’exploitation des unEs sur les autres. Aujourd’hui, la prostitution et le proxénétisme comptent parmi les pires formes de l’exploitation capitaliste, ciblant spécifiquement les femmes du prolétariat. Alors qu’un adage dépeint la prostitution comme le plus vieux métier du monde, de plus en plus l’idéologie néolibérale galvaude les concepts de prostitution et de proxénétisme pour en faire des activités commerciales comme les autres. Ces glissements sémantiques font des prolétaires exploitéEs sexuellement, des « travailleurs et travailleuses du sexe » et des proxénètes, des acteurs légitimes de l’« industrie du sexe ».

3.3 Nous nous opposons à toutes les formes d’exploitation liées à l’industrie du sexe, que ce soit la prostitution, la pornographie, le tourisme sexuel, les publicités basées sur le corps des femmes

Nous nous opposons au modèle capitaliste de société qui reproduit et entretient la marchandisation et la commercialisation du corps des femmes.

4. Nous voulons nous unir aux côtés des hommes de notre classe, tout en luttant contre les comportements sexistes

Pour que les femmes prolétaires participent à tout projet révolutionnaire, elles ont besoin de lieux d’organisation qui leur ressemblent, non seulement pour se transformer elles-mêmes par la lutte, mais pour prendre les moyens afin que cessent les comportements sexistes ou oppresseurs autour d’elles. Des lieux où elles se sentent libres de s’exprimer sur l’oppression ou la violence dont elles sont victimes, où elles peuvent apprendre à s’affirmer, à discuter de politique et à lutter d’égale à égale.

Même si les groupes féministes prolétariens sont non-mixtes, ils ont pour objectif de favoriser la participation des femmes aux organisations politiques de lutte. Nous voulons donc construire l’unité avec les hommes qui partagent nos objectifs, tout en faisant disparaître les comportements sexistes. Cette double lutte est nécessaire et le sera tant que nous n’aurons pas réussi à transformer complètement la société actuelle.

Elle va apporter son lot de contradictions. Nous devons apprendre à mener cette lutte, comme les hommes autour de nous, tout en préservant ce qui nous unit.

Les hommes avec qui nous luttons doivent apprendre à reconnaître et à lutter eux-mêmes contre les comportements que nous jugeons sexistes ou dominateurs, les identifier, les critiquer, ne plus les tolérer ou les condamner sans appel, selon leur gravité. Et il faut agir avec eux pour les transformer.

Les groupes féministes prolétariens le feront selon les principes suivants :

  • Identifier et convenir ensemble des comportements à bannir et qui ne seront pas tolérés ; il appartient aux femmes de le faire et non au système judiciaire ou légal bourgeois.
  • Faire adopter ces principes par toute organisation à laquelle nous participons ;
  • S’appuyer sur ces principes pour dénoncer un comportement sexiste quand il survient afin que des mesures concrètes soient prises (réprimandes, excuses, expulsion selon la gravité, etc…)
  • Adopter des mécanismes pour résoudre collectivement les conflits liés à des comportements sexistes ;
  • Maintenir la discussion et le débat avec les hommes qui ont besoin de changer et d’être rééduqués dans un climat de confiance ;
  • Eviter les accusations vagues et généralisées.

Les groupes féministes prolétariens vont permettre d’exposer ces problèmes, de travailler à les résoudre sans antagoniser… Ils vont chercher à identifier ce que l’on doit transformer et prendre les mesures qui s’imposent pour que cessent les comportements inacceptables.

Il faudra aussi apprendre à nous transformer nous-mêmes : nous sommes aussi nos propres freins.

Les GFP seront un lieu propice pour nous transformer en nous éduquant et en prenant conscience des comportements qui nous nuisent, tant chez nous-mêmes que chez les autres. Dans la société capitaliste, encore marquée par des valeurs patriarcales, tant les hommes que les femmes reproduisent des comportements qui correspondent à ce qu’on attend d’elles et d’eux.

Nous sommes parfois nous-mêmes les freins à notre implication politique. Nous ne faisons pas l’effort conscient d’aller jusqu’au bout pour résoudre les problèmes ou les obstacles qui se dressent sur notre chemin. Nous abandonnons trop vite. Nous allons vers le plus facile et ce qui est le plus confortable ; nous nous plaçons souvent comme des victimes qui subissons les comportements des hommes, plutôt que comme des femmes qui s’unissent en solidarité, qui transforment leur quotidien en exigeant que les choses changent, qui se défendent et qui critiquent ouvertement, et qui vont lutter jusqu’au bout.

Il faut apprendre à identifier ces comportements néfastes chez les femmes et s’éduquer à développer nos capacités à lutter, à débattre, à participer à la vie politique sous toutes ses formes.

5. Nous serons a l’avant-plan dans la lutte politique !

Nous nous donnons l’objectif de viser à ce que les femmes prolétaires soient chaque jour plus nombreuses et déterminantes dans la lutte politique et donc, en ce qui nous concerne, dans les organisations politiques révolutionnaires. Les femmes du prolétariat, à travers leurs luttes, sont à même de se convaincre toujours plus que le problème de l’égalité complète des femmes n’est pas un problème isolé, un «problème de femme», séparé des autres questions politiques, et qu’il ne pourra trouver de solution définitive tant que la société actuelle n’aura pas subi des transformations fondamentales.

Nous refusons de limiter notre lutte aux stricts enjeux qui concernent les femmes. Nous croyons que les femmes doivent participer de plain-pied à la lutte politique générale, être présentes en nombre, à tous les niveaux de décisions et de direction, dans les organisations politiques militantes, populaires et révolutionnaires de lutte contre le capitalisme et l’impérialisme.

Les groupes féministes prolétariens que nous appelons à former seront des lieux d’organisation et d’éducation politiques en vue de développer le leadership des femmes pour qu’elles s’impliquent et participent d’égale à égale à la lutte politique: des lieux d’éducation sur tous les fronts. Ils nous permettront de réfléchir, de discuter, d’intervenir, de participer, de diriger en un mot, d’« apprendre en combattant ». Ces groupes créeront les conditions pour favoriser la participation et le leadership des femmes prolétaires dans le mouvement politique général de lutte.

Pour que s’exprime dans toute son étendue la juste colère des femmes du prolétariat, ensemble, nous devons assurer toutes les conditions pour que cela soit possible pour toutes. Les femmes du prolétariat vont se joindre à un mouvement qui leur permettra de s’organiser, d’apprendre en combattant et surtout, qui va matérialiser un affrontement avec l’ancien monde, le capitalisme qu’il faut détruire, et le nouveau pouvoir populaire qu’il faut construire. C’est donc à nous et à toutes celles qui veulent transformer de façon révolutionnaire cette société pourrie, d’élaborer le programme conséquent de libération des femmes et de gagner les femmes du prolétariat à la révolution et au pouvoir populaire.

Notre appel à construire des groupes féministes prolétariens

Nous appelons les femmes appuyant ce manifeste :

A former, là où c’est déjà possible, des groupes, ou fronts féministes prolétariens (GFP) qui visent à réunir les femmes prolétaires dans toute leur diversité, tout en reflétant la réalité qui les entourent et sur les principes de base énoncés dans le Manifeste. Ces groupes ou fronts, seront les composantes locales du mouvement. Le Mouvement féministe prolétarien est la somme de ces groupes et/ou fronts. Ces groupes :

  • mobiliseront dans une perspective ouvertement anticapitaliste et de classe, les femmes prolétaires de toutes origines incluant les transgenres* et toute militante adhérant à l’objectif de lutte contre toutes les oppressions spécifiques de genre, de sexe et de race ;
  • développeront par l’enquête et la discussion, les revendications répondant aux aspirations spécifiques des femmes dans leur milieu ;
  • lutteront par l’action politique (manifestations, appels, marches, actions de toutes sortes) contre toute attaque aux droits des femmes dans une perspective de classe ;
  • s’éduqueront à la lutte politique générale en y participant activement par l’appui, l’alliance ou l’implication avec les organisations politiques qui défendent le féminisme prolétarien et qui luttent contre le capitalisme et pour une société nouvelle.
  • mèneront la lutte pour que le féminisme prolétarien et son programme de libération des femmes, soient reconnus comme des parts essentielles du programme général de lutte politique des organisations révolutionnaires vouées à combattre le capitalisme.
1. L’adhésion à un groupe féministe prolétarien est une adhésion politique.

Les GFP ne seront pas de nouveaux groupes fournissant des services communautaires. Ce seront des groupes de lutte, d’action, d’organisation, de discussion et d’éducation, qui pourront intégrer des activités culturelles et communautaires. Ils défendront un point de vue féministe prolétarien et anticapitaliste, de même que le programme de libération sur la base commune du Manifeste et le feront publiquement. Ils mettront de l’avant des revendications, participeront ou initieront des luttes dans leur quartier, leur région ou leur institution. Ils mobiliseront et se donneront des objectifs en vue d’impliquer de plus en plus de femmes prolétaires.

2. L’adhésion à un groupe féministe prolétarien est d’abord locale, afin de favoriser la participation et une pratique réelle des femmes.

Il est préférable de commencer à 2 ou 4 et d’essayer de mobiliser de nouvelles femmes, une par une, autour de ce qui est le plus proche d’elles. Nous devons viser à multiplier les groupes sur chaque territoire. Chaque région, localité ou institution comporte ses spécificités : les migrantes sont bien plus nombreuses à Montréal ou Toronto par exemple, qu’à Sherbrooke ou Thunder Bay. En milieu étudiant, on risque de retrouver davantage d’intellectuelles, même à faibles revenus, que de prolétaires moins scolarisées. Et c’est normal ! C’est le total de notre mouvement qui permettra d’atteindre la diversité. Nous devons quand même viser à ce que chaque groupe représente le plus possible la diversité de conditions et de réalité des femmes prolétaires. Nous visons à développer la connaissance du milieu dans lequel nous agirons, afin d’y mobiliser les femmes prolétaires autour de leurs réalités, leurs besoins, leurs luttes.

Des lieux d’éducation, d’organisation et de lutte

Les GFP viseront à produire collectivement du matériel d’éducation ou de mobilisation, et à en organiser la diffusion, pour une action, pour dénoncer une coupure dans l’aide sociale, pour appuyer une lutte, etc…

Afin d’organiser le travail correctement, il faut:

  • faire l’enquête sur nos milieux
  • Se donner des outils (tracts, brochures, etc..)
  • Identifier les lieux où on retrouve des femmes prolétaires ;
  • Rendre nos groupes visibles
  • Se réunir régulièrement
  • Prendre la parole.
  • Initier des actions publiques et politiques.

Les femmes doivent défendre leur droit à s’affirmer, à lutter, à participer pleinement, à s’organiser et à développer leur leadership dans la lutte. C’est aussi l’objectif du mouvement féministe prolétarien que nous invitons à créer.

Nos lieux de réunions et de rencontres doivent faciliter la participation des femmes prolétaires. C’est à nous d’aller vers elles, et non à elles d’aller vers nous ! Nous devons aller diffuser et nous rendre visibles là où elles vivent, où elles travaillent ; devant les épiceries, à la sortie des garderies. Nous devons nous réunir chez elles, ou tout près. Faire des réunions courtes, mais efficaces, plutôt que de s’étendre en longs débats sans conclusion.

Les groupes féministes prolétariens sont des lieux d’éducation politique collective. Pour étudier les différentes expériences politiques et révolutionnaires de transformation sociale à travers l’histoire et le rôle des femmes dans ces luttes ; pour se former au matérialisme dialectique, plutôt qu’à l’idéalisme qu’on nous apprend à l’école ; pour exprimer nos points de vue et en débattre malgré les désaccords ; pour développer nos capacités critiques mais aussi d’autocritique pour construire une vraie unité de points de vue.

Les GFP sont des lieux de débat. Dans chacun des milieux où ils existent, ces groupes initient des débats avec d’autres organisations de femmes, saisissent des occasions pour clarifier et défendre les points de vue féministes prolétariens dans les luttes réelles (nous pensons par exemple au débat sur la Charte « de la laïcité » au Québec).

Les GFP seront des lieux de lutte !

Une initiative du Front féministe prolétarien et révolutionnaire de Montréal et des militantes du Parti communiste révolutionnaire (PCR) www.pcr-rcp.ca
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